Vive le boulot !
Qui dit plus de lait par UTH ne dit pas forcément plus d'heures.
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L e travail, c'est la santé. Rien faire, c'est la conserver », chantait Henri Salvador. Sur nos exploitations, ce n'est pas le « taf » qui manque. Mais vu la pyramide des âges des éleveurs laitiers (la moitié des producteurs a plus de 50 ans), la concentration des volumes est inéluctable. Qui dit plus de lait par UTH ne dit pas forcément plus d'heures. Nos voisins du Nord sont passés maîtres dans l'intensification. Nous ne sommes ni plus fainéants ni moins efficaces qu'eux. À l'inverse, certains systèmes extensifs allègent la tâche.
En France, trente ans de quotas ont figé nos volumes. Nous avons pris l'habitude de vouloir être au four et au moulin : et je me dépêche de traire les vaches pour aller aux champs ; et je me grouille de finir de labourer pour revenir aux vaches. De plus, nous sommes tentés et contraints d'investir dans des bâtiments et salle de traite performante, mais aussi dans le matériel de culture. À ce rythme, les jours sont souvent trop courts et le compte en banque « fume ». Quand on étudie un peu les temps de travaux, on s'aperçoit que pour un même volume de lait, le travail d'astreinte varie du simple au triple, suivant les installations et surtout le ou les travailleurs. Selon une étude de l'European Dairy Farmer, le temps de travail moyen par vache et par an va de quinze heures en Hollande à cinquante-cinq heures en Espagne. En France, les extrêmes vont de quinze à cinquante heures. Être efficace à la traite, disposer des bons outils au bon endroit, rationaliser ses déplacements, conserver son bâtiment en bon état avec des portails qui se verrouillent du premier coup... Autant de petites attentions qui ne nécessitent pas d'investissements lourds, mais permettent de gagner du temps.
La notion de pénibilité est subjective. Personnellement, je trais seul en 2 x 8 et j'aime ça, quand d'autres subissent la tâche. Alors intervient la notion de « travail contraint » et « travail plaisir », dixit certains spécialistes. Aller voir ses génisses en prairie, les mains dans les poches par un matin ensoleillé serait du travail plaisir. La traite ou vider le fumier, manuellement, d'un box mal foutu serait du travail contraint. On pourrait donc imaginer une rémunération horaire différente. Une heure devant l'ordinateur ne vaudrait-elle pas une heure de tracteur ? Vider du fumier est une tâche bête et méchante quand une promenade bucolique parmi ses génisses est un travail hautement stratégique. Mine de rien, l'éleveur y estime son stock d'herbe et l'oeil averti jauge le potentiel de renouvellement du troupeau pour les deux ans à venir.
Il faut déterminer ses priorités. Plus de lait passe par une « hyper méca-robotisation » ou par la délégation de certaines tâches. Mais ce qui coûte le moins cher, c'est la chasse au « gaspi ». Encore confidentielle, la formation au lean-management, ou amélioration continue, est une méthode issue de l'industrie automobile qui permet de rationaliser les tâches, d'optimiser l'ergonomie, d'améliorer la communication entre les associés ou avec les salariés. Dans les groupes Ceta 35, où cette méthode a été testée cet hiver, quatre producteurs suivent pendant une heure un éleveur dans ses tâches en notant et photographiant tout ce qui relève des bonnes ou mauvaises postures, pratiques, déplacements... Dans la matinée, avec un formateur extérieur au monde agricole, on débriefe pour faire des propositions classées en quatre catégories : le positif, la sécurité, les éventuels investissements lourds, et les améliorations faciles à mettre en place. Le regard sur l'autre nous renvoie souvent à nos propres contradictions. Voir la paille dans l'oeil du voisin permet aussi de ne pas se prendre sa propre poutre dans la tronche. L'avenir laitier appartient à ceux qui savent se remettre en cause !
PASCAL POMMEREUL
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